lundi 22 juillet 2019

HONTE

Hello les Soulplaciens,

J'ai suspendu mon activité sur ce blog en pensant être trop répétitif. Je me suis permis de me mettre à votre place et de juger du bien-fondé de mes écrits qui laissent à penser que le monde n'est que musique ou désespoir. J'ai du coup choisi cette confortable zone grise où tout se passe bien, rien à dénoncer, rien à regretter, l'indifférence quoi...

Mais, cette attitude n'est pas sans dommages, que l'on se plaît à dire collatéraux pour en réduire l'importance. Les évènements interrogent sur le sens que l'on donne à l'histoire que l'on écrit de son rapport à l'autre.

Alors, aujourd'hui j'ai honte : On a pu tuer un homme pour ce qu'il est ! Et très honnêtement, qu'il eut été blanc, rouge, vert, jaune, gay, juif, musulman, gros ou con m'importe peu, à la marge. Je suis stupéfait qu'un être vivant puisse se retrouver sans vie sur un trottoir, du simple fait que son existence est insupportable à d'autres. Oh bien sûr, l'Histoire regorge de ces barbaries qui font croire que parce qu'elles sont moins nombreuses, l'Homme avance dans la sagesse et la raison. En pratique, nous sommes tellement pires !!!!
Il y a cinquante ans on marchait sur la lune, aujourd'hui on ramasse sur un trottoir le corps martyrisé d'un mari, d'un père tué au prétexte qu'il est Noir ! Et ce, dans une indifférence ahurissante, personne n'a agi pour détourner, enrayer, arrêter l'action de ce type. Ce concentré des démons de notre société a pu reprendre son chemin sans être importuné, ni par les pleurs de la femme de la victime, qu'il a menacé du même sort, ni par ceux qui se sont "précipités" pour tenter de sauver Mr Barry. Je ne serais pas étonné que la scène ait été filmée, avant que les vidéastes ne reviennent à la réalité urgente qui se déroulait sous leurs yeux.

Ma honte, c'est que l'homme est devenu indifférent à l'homme. Cela ne date pas d'hier, avant on importunait nos repas du soir avec les images des boat-peoples, du Biafra, de l'Ethiopie, les massacres au Cambodge, au Rwanda, les migrants (qu'ils coulent en Méditerranée ou se noient sous les rires transalpins)... La liste est longue de ces gens que l'on ne voit plus à force de détourner notre regard. Elle s'allonge de ces petits riens de notre vie en société, dont nous avons minimisé l'importance. Plus grand-monde ne s'offusque d'une vieille dame restant debout dans les transports, on peut sans vergogne gifler une femme refusant des avances, sur une terrasse, devant 50 personnes aux premières loges. Aujourd'hui on peut se sentir en droit de tuer, le faire, sous nos yeux, là ! Devant mon cerveau engourdi, mes membres tétanisés par ce violent rappel à la vie, la vraie, où les méchants font vraiment mal. Là !! devant moi, le regard vissé sur un téléphone que je regarde comme une pomme, en espérant qu'il va me protéger de l'horreur, un homme est mort.

Ce qui me révolte c'est que je doive partager, avec l'agresseur et la victime, une part d'humanité dont j'ai jugé de la répartition. Je ne suis malheureusement pas absolument certain que je me serais jeté sur l'agresseur. Cette incertitude dit à Mr Barry, qu'à priori, il n'aurait pas mérité ma réaction. Elle confirme à son meurtrier qu'il pourra recommencer en toute quiétude, certain de mon équanimité. Cruelle désillusion, cruel dilemme.

La mort de Mr Barry me demande des comptes, et balaie les balivernes dont j'arme ma bonne conscience. Je suis écoeuré d'avoir "participé" à cette fin si brutale et injuste. Au delà du courage, qu'appelle ce type de scène pour avoir la force d'y réagir, il est temps que je me sente digne du sens que je donne à ma vie sinon...  Sinon ce type de salopard, déclaré "irresponsable", pourra proliférer comme une gangrène, et, notre lâcheté n'aura pour témoins que les corps des nôtres.

Tristement,

1 commentaire:

  1. Dilution de la responsabilité, l'effet du témoin, ça fait des mois que je regarde notamment facebook comme un vecteur pervers, nous déversant son lot quotidien d'horreurs, à nous et des millions d'autres, incapables de réagir à ces innombrables sollicitations catastrophiques, réagissant du coup de moins en moins pour ne plus réagir du tout... devenant des témoins passifs, diluant note responsabilité dans celle des millions d'autres facespectateurs, soulagés d'être derrière nos écrans plutôt que dans ces histoires sordides que l'écran semble tenir à distance alors qu'elles sont si près... déshumanisation, dilution de la responsabilité d'ailleurs pour aller un peu plus loin wikipedia parle très bien de ce phénomène psycho-social mais c'est trop long pour que je l'insère ici je vais te le poster sur face justement tiens!

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